« Mes oreilles ne passent pas ! » Réussir sa compensation

Le décor est planté. Vous êtes calme, votre canard est fluide, vous entamez une magnifique descente dans le bleu… quand soudain, une gêne, puis une douleur aiguë dans une oreille vous stoppe net. Vous avez beau essayer de « pousser », rien n’y fait. Frustré, vous remontez.

Si ce scénario vous est familier, sachez une chose : vous n’êtes pas seul. C’est le premier grand filtre de l’apnée, la porte d’entrée vers la verticalité. Et la bonne nouvelle, c’est que ce n’est presque jamais un problème physique insurmontable. Vos oreilles ne sont pas « défectueuses ». Elles ont juste besoin d’apprendre un nouveau geste, une nouvelle danse avec la pression. Ce geste, c’est la compensation.

Comprendre pour mieux agir : petite mécanique de l’oreille

Imaginez que votre oreille moyenne, située juste derrière votre tympan, est une petite bouteille d’air rigide. Votre tympan, lui, est le bouchon souple de cette bouteille. En surface, la pression de l’air est la même à l’intérieur et à l’extérieur de la bouteille.

Quand vous descendez, même d’un seul mètre, la pression de l’eau augmente et appuie sur le « bouchon » (votre tympan), le déformant vers l’intérieur. C’est ce qui crée la gêne, puis la douleur.

L’acte de compenser, c’est simplement réinjecter un peu d’air depuis votre gorge dans la « bouteille » pour rééquilibrer la pression et permettre au « bouchon » de reprendre sa forme initiale. Ce transfert d’air se fait via un minuscule canal que nous possédons tous : la trompe d’Eustache. Tout l’art de la compensation est d’apprendre à ouvrir volontairement ce canal.

Les techniques : le tracteur et la voiture de sport

Il existe plusieurs méthodes, mais deux sont principalement utilisées.

1. La manœuvre de Valsalva (Le tracteur robuste) C’est la plus instinctive. Pincez-vous le nez et essayez d’expirer par le nez. La pression vient de vos poumons et de vos muscles abdominaux.

  • Avantages : Facile à comprendre et à réaliser les premières fois.
  • Inconvénients : Elle est assez brutale pour les tympans, consomme beaucoup d’énergie (et donc d’oxygène), et devient très difficile, voire impossible, la tête en bas à quelques mètres de profondeur, car vous luttez pour faire remonter l’air depuis vos poumons.

2. La manœuvre de Frenzel (La voiture de sport élégante) C’est la technique utilisée par tous les apnéistes confirmés. Elle est plus subtile, plus douce et infiniment plus efficace en profondeur. L’air n’est plus poussé par les poumons, mais par la langue.

  • Comment ça marche ? Pincez-vous le nez. Bloquez votre glotte (comme quand vous vous apprêtez à soulever une charge lourde). Votre langue, chargée d’un peu d’air, agit alors comme un piston : en reculant et en montant vers le palais mou, elle pousse l’air emprisonné dans votre bouche vers l’arrière de votre nez, et donc vers vos trompes d’Eustache.
  • Avantages : Douce, peu énergivore, et fonctionne parfaitement la tête en bas, quelle que soit la profondeur.

Les 5 règles d’or de la compensation

  1. Anticiper : Compensez avant de sentir une gêne. La douleur est le signe qu’il est déjà un peu tard et que vos trompes d’Eustache sont « plaquées » par la pression, rendant le passage de l’air difficile.
  2. Commencer en surface : La toute première compensation doit se faire juste avant, ou au moment même où vous quittez la surface, pour pré-ouvrir les canaux.
  3. Fréquence et douceur : Au début, la règle est simple : « souvent et doucement ». Compensez tous les mètres durant les 10 premiers mètres, là où la variation de pression est la plus forte.
  4. Garder la tête droite : Évitez de trop baisser ou de rentrer le menton pour regarder vers le fond. Cela peut pincer les tissus mous autour de vos trompes d’Eustache. Gardez le cou dans l’alignement du corps.
  5. Ne jamais forcer : Si ça ne passe pas, c’est la règle la plus importante : remontez d’un mètre ou deux pour diminuer la pression, puis réessayez de compenser doucement. Forcer peut mener à une lésion du tympan (un barotraumatisme). L’océan sera encore là demain.

S’entraîner à sec : vos devoirs à la maison

La clé pour maîtriser la Frenzel, c’est la pratique hors de l’eau, pour que le geste devienne un réflexe.

  • Exercice 1 : le piston de langue. Pincez-vous le nez. Bouche fermée, essayez de faire le son « T » ou « K ». Sentez comment l’arrière de votre langue monte et crée une petite pression.
  • Exercice 2 : le miroir. Placez-vous devant un miroir, pincez-vous le nez, et tentez la manœuvre de Frenzel. Si vous réussissez, vous devriez voir vos narines se gonfler très légèrement, sans qu’aucun de vos muscles du ventre ou du torse ne se contracte. Si votre ventre se durcit, vous êtes en Valsalva.

La compensation est un voyage de découverte de son propre corps. Soyez patient, détendu et curieux. C’est la clé qui vous ouvrira les portes du monde vertical, en silence et sans douleur.


Si vous souhaitez un accompagnement pour maîtriser ce geste, c’est un point central que nous abordons dans nos stages de progression.

Cependant, pour ceux qui rencontrent un blocage persistant ou un problème de compensation très personnel, la solution la plus rapide et la plus efficace est souvent un suivi sur-mesure. C’est pourquoi je propose un coaching privé, qui nous permet de dédier une séance entière rien qu’à vous, pour analyser votre technique et trouver la solution qui débloquera votre pratique. Parfois, un œil extérieur et quelques conseils ciblés suffisent à tout changer.

À bientôt dans le bleu,

– Maël

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