Certains jours, l’Océan nous rappelle qui est le patron. Mercredi dernier, le 27 août, en était un. Loin, très loin au milieu de l’Atlantique, un monstre du nom d’Erin venait de rendre son dernier souffle. Mais comme un artiste tirant sa révérence, son salut fut un dernier coup de pinceau magistral : une houle cyclonique, longue, puissante, qui a traversé des milliers de kilomètres en silence pour venir s’exploser sur nos côtes.
À Groix, l’île s’est retrouvée comme suspendue dans le temps, coupée du continent. Les bateaux pour Lorient restaient à quai, spectateurs impuissants de la fureur des éléments. La mer, d’habitude notre terrain de jeu, était devenue une arène où des montagnes d’eau s’affrontaient dans un fracas assourdissant.
Et au cœur de ce spectacle, le petit port de Port-Mélite. Notre havre de paix, notre point de départ pour tant d’explorations en apnée, était devenu le théâtre d’un véritable combat. Les bateaux amarrés à leurs bouées n’étaient plus que des fétus de paille, disparaissant à chaque déferlante avant de réapparaître, comme par miracle, gorgés d’eau et au bord du naufrage. Le zodiac de SD Conservation Apnée n’a pas fait exception, luttant pour sa survie.
Mais Port-Mélite a un secret. Un ange gardien. Une sirène qui, plutôt que de chanter pour perdre les marins, veille sur eux avec du café chaud et des tartes maison. Il s’agit d’Anne, âme et cœur de La Cab’Anne, ce food truck iconique qui offre, en plus de ses délices, la plus belle vue sur le port. Depuis son poste d’observation, elle est le témoin privilégié de la vie de la crique, des rires des enfants comme des colères de l’océan.

C’est elle qui nous raconte la scène, avec cette malice dans les yeux qui la caractérise. (Et vous pourrez l’entendre de sa propre voix dans la vidéo ci-dessous !)
L’alerte est donnée tôt le matin par les sauveteurs de la plage. Le message est clair : « Maël, les bateaux coulent ! ». Il n’en faut pas plus. Le sommeil, le confort, la prudence… tout est balayé par l’urgence. En une fraction de seconde, notre homme n’est plus un homme, mais un triton répondant à l’appel de son royaume.
La suite tient plus de la mythologie que du fait divers. Imaginez la scène : Maël, surgissant en caleçon, sans une once d’hésitation, se jette dans l’eau glacée et tumultueuse. La lutte est déloyale. Chaque vague qui submerge le zodiac est une gifle. Chaque seau d’eau qu’il écope est aussitôt remplacé par des centaines de litres déversés par la suivante. L’épuisement guette, le bateau s’enfonce, l’affaire semble perdue.
C’est le moment où les légendes s’écrivent. Celui où le mental prend le pas sur la force brute. Dans un dernier effort désespéré, Maël se jette sur le moteur. Une, deux, trois tentatives… Le silence, seulement couvert par le rugissement des vagues. Et soudain, un son improbable, un toussotement puis un rugissement mécanique qui déchire l’air. Le moteur a démarré !
Mais la partie n’est pas gagnée. Pour s’extraire du piège de Port-Mélite, il n’y a qu’une seule solution : ne pas combattre la vague, mais danser avec elle. Tel un surfeur chevauchant sa montagne liquide, Maël pointe l’étrave vers la plage, pousse les gaz et se laisse porter par une déferlante. Le zodiac est littéralement projeté sur le sable, où il s’échoue enfin, secoué mais sauvé.

Le triton, trempé, en caleçon et victorieux, a mis son navire à l’abri. Le spectacle, involontaire mais grandiose, a laissé les quelques témoins sans voix.
Cette journée restera dans les annales. Elle nous rappelle l’humilité que nous devons à l’océan, mais aussi la force de caractère de ceux qui vivent à son contact. C’est cet esprit-là, ce mélange de respect, d’audace et d’un petit grain de folie, qui anime chaque jour SD Conservation Apnée.

Alors la prochaine fois que vous viendrez à Port-Mélite pour une sortie en apnée ou simplement pour profiter du lieu, passez saluer la sirène Anne à sa Cabane. Et si vous voyez Maël, sachez que sous son calme apparent se cache un triton qui n’a pas peur de se jeter dans la tempête… même en caleçon.

Un immense merci à Anne et sa précieuse Cab’Anne. Bien plus que de nourrir nos estomacs, tu nourris l’âme de Port-Mélite. Merci pour le partage de cette anecdote, un de ces secrets intimes qui façonnent la vie d’un moniteur d’apnée, entre la fureur de la surface et la sérénité des profondeurs.
On vous dit à très bientôt pour de nouvelles aventures, là où le tumulte s’arrête et où le grand bleu commence.
L’équipe de SD Conservation Apnée